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Dàbǎo
2 avril 2013

Yaoundé, premières gorgées

 

Yaoundé4

J’ai du mal à exprimer clairement cette ville, avec des mots précis et des expressions claires. 

Si d’ordinaire je trouve facilement mes marques dans les villes, et ce quelque soit leur taille, j’ai ici du mal à me repérer.

Ces difficultés sont d’abord dues aux plans et aux cartes, toujours incomplètes car ne figurant que les rues et les quartiers formels, là où la ville est constituée principalement de quartiers spontanés, dans lesquels les chemins de terre chaotiques, tantôt véritables artères, tantôt slaloms à travers les baraques ou la végétation, se substituent aux voies bitumées. Impossible donc d’évoluer à travers l’anarchie, de manière ordonnée. Si encore on pouvait repérer des points cardinaux ou des repères urbains pour s’orienter…

Mais la ville a cette deuxième caractéristique d’un relief tumultueux et répétitif, de collines et de vallées, qui brouillent la vue globale et perturbent l’orientation. Sans parler des routes qui zigzaguent comme elles peuvent, dans de drôles de détours sur cette géographie mouvementée.

Enfin et c’est peut-être ce qui m’empêche le plus au jour d’aujourd’hui de comprendre cette entité étrangère, s’y promener de manière continue et fluide s’avère chose compliquée. L’accès aux quartiers spontanés qui représentent 60% de la capitale[1] - et qu’on appelle un peu trop communément chez nous « bidonvilles » - est peuplé d’obstacles physiques et humains. A plusieurs reprises on nous déconseille où l’on nous interdit carrément leur accès, de manière bienveillante ou menaçante, sous prétexte d’un danger certain. Comment comprendre ce territoire, sans voir et appréhender ces blocs, morceaux entiers de l’anatomie urbaine ? Fourmillants de vie et de débrouille mais sacrément précaires, ils sont représentatifs d’une tradition –celle de bâtir sa maison – et d’une nécessité – celle de s’approprier une terre pour habiter, quand l’Etat ne peut subvenir aux besoins en termes de logement.

Yaoundé2

Outre la compréhension, il reste les impressions. Les premières sont toujours les plus vives. Alors qu’un taxi nous transporte à toute allure de l’aéroport à la maison de Pascal et Léa (et la marmaille et les employés : famille camerounaise d’accueil pour ces deux mois et des patates), la ville se dessine progressivement à travers la végétation ; de manière très disséminée au départ, les bâtisses semblent isolées le long de ce qui est un axe majeur. Au fur et à mesure, un peu plus de concentration, même si ce sont toujours des unités, quelque peu éparpillées et jamais vraiment unifiées, qui font office de front bâti le long de la route. Un tronçon concentre bars et restaurants, ceux-ci, complètement ouverts se répandent sur le trottoir, animant joyeusement la nuit de leurs musiques et lumières multicolores. C’est au sommet de l’une des 7 collines de la ville, que l’on peut embrasser du regard une bonne partie de cette flaque construite dont les lumières scintillent faiblement. La ville semble complètement plate, seul son relief lui confère quelques hauteurs. Après les villes chinoises, le changement est un peu radical… Le taxi poursuit sa route jusqu’à s’arrêter dans un quartier résidentiel très calme, éclairé de quelques lampadaires où pas un chat ne rôde. Nous sommes devant une maison entourée de murs haut de 3m, surmontés de barbelés et surveillé par un gardien. De toute évidence l’insécurité règne chez les plus riches d’un pays aux violents contrastes.

Après quelques promenades, quelques trajets en taxi – le transport en commun ici – je reconnais un peu mieux les différents coins, je me suis trouvé certains repères. N’empêche que la ville me semble toujours un peu répétitive, toujours faite de bric et de brocs, pleine de trucs tout le temps, partout.

Un tissu bâti peu dense, des vides pleins.

Les routes, les rues jamais unifiées, jamais continues, toujours accidentées. Des obstacles toujours. Que ce soit les vendeurs en tout genre sur les trottoirs, les crevasses sur la voie, les publicités placardées ou les taxis qui ne cessent de se rabattre pour prendre ou lâcher des gens en route. Et partout de nombreux espaces non construits, des esplanades désertes, des dents creuses entre les bâtiments. Des fonds de vallée aussi, qui sont quelque fois méticuleusement cultivés ou simplement envahi par la végétation anarchique. De loin on voit le vert partout, mais de près on a toujours du mal à en profiter.

Yaoundé1

Se distingue des quartiers résidentiels, un centre-ville qui date de l’époque coloniale et concentre tous les équipements, ou institutions administratives. Le centre commercial – non pas un bâtiment mais une zone, à distinguer du centre administratif où l’on trouve tous les ministères – s’articule autour du marché central, les rues adjacentes sont encombrées de commerces informel et de boutiques tenues par des indiens. Complètement congestionné par le trafic routier et les piétons qui s’y concentrent, il n’offre pas un seul  espace public pour respirer.

Quand on nous présente le plan de restructuration pour ce « noyau central », on a du mal à y croire tellement ça nous semble loin des soucis élémentaires auxquels les autorités pourraient s’attacher. Comme un modèle générique que l’on aimerait plaquer vite fait, bien fait, pour atteindre le statut de ville moderne et développée. Rêve d’une micro-minorité, ultra-riche et surement corrompue, dont on se demande s’ils ont déjà regardé la ville autrement qu’à travers les vitres teintées de leur auto… Histoire à suivre !

Yaoundé3



[1] Le Programme d’amélioration des conditions de vie dans le quartier de Yaoundé 6 : exemple de changement d’échelle d’une démarche participative, Emmanuel Ngnikam, Emile Tanwa, Charles Tchougang et Sergio Olete-Josa, 2004

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  • Dàbǎo parle d'espaces, de lieux, de villes, traversées ou vécues. Un mélange de carnet de voyage, de notes personnelles, de photographies. Tout ce qui permet de garder les yeux bien ouvert et l'esprit vagabond...
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